Au moment où émergeaient en Europe les États-nations fondés sur le principe de souveraineté, nombre de penseurs ont estimé nécessaire l'établissement d'un droit qui, sans remettre en cause les conditions de l'autonomie de ces États, permettrait d'en réguler les relations : ce fut la naissance de l'idée d'une société des nations (SDN).
Dans son Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe de 1713, l’abbé de Saint-Pierre (1658-1743) imagine une confédération d’États dotée d’un arbitrage collectif et destinée à garantir la paix, chaque État conservant sa souveraineté. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) commente ce projet, mais reste sceptique : il doute de la possibilité d’un droit international effectif, la guerre étant inhérente à la nature des États souverains régis par le droit des gens. Emmanuel Kant (1724-1804) reprend, quant à lui, l’idéal cosmopolitique anciennement thématisé par les philosophes stoïciens : il propose une fédération d’États libres, non un État impérial ou central, car « la fédération n’est pas un État, mais une alliance » ; la paix n’est pas l’absence de guerre, elle suppose un état juridique à instituer. Pour Kant, la question de la paix demeure centrale et la « société des nations » ne doit pas abolir la souveraineté étatique, mais créer un cadre juridique universel garantissant la coexistence pacifique.
Parmi les articles préliminaires de son Projet pour la paix perpétuelle, il interdit les traités de paix qui préparent secrètement de futurs conflits, l’acquisition d’un État par un autre (par héritage, achat, échange ou donation), le maintien d’armées permanentes, la contraction de dettes publiques pour financer des guerres, l’ingérence forcée dans la constitution d’un autre État, et les hostilités rendant impossible la confiance future. Dans les articles définitifs, Kant exige que chaque État adopte une constitution républicaine, que le droit des gens repose sur une fédération d’États libres (et non sur un État mondial) et que le droit cosmopolitique se limite à l’hospitalité universelle.
La SDN, dans la première moitié du XXe siècle et, depuis 1945, l'Organisation des Nations unies (ONU), ont été créées pour préserver la paix et la sécurité internationales. Elles ont développé le principe d’une fédération d’États libres cherchant à empêcher la guerre sans créer un État mondial unique. La Charte de l’ONU refuse par exemple explicitement l’ingérence dans les affaires intérieures des États, à l'image de la limite posée par Kant à l’association internationale.
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